LE PERIGORD INSOLITE

LE PERIGORD INSOLITE

UN CHEMIN de ST JACQUES OUBLIE= pour les lépreux ? les Cagots?)

PELERINAGE VERS SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE

LA ROUTE RIBERACOISE ou

"CHEMIN DES LEPREUX"

ET DES CAGOTS ?

Tout le monde sait que le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle se pratique par quatre routes principales en France, mais peu de gens savent que l'une de ces routes traverse le Périgord: la voie de Vézelay.  Bien des chemins secondaires demeurent ignorés et certains croient toujours qu'au Moyen-Age chaque pèlerin avait son chemin. On est loin de la vérité car les pèlerins avaient besoin de soins, de protection, de réconfort moral et physique à la fin de chaque parcours journalier. Des étapes structurées étaient donc nécessaires en fonction du kilométrage parcouru en une journée, entre 20 et 30km. Une organisation précise avait donc été mise en place par des ordres religieux. Serge Avrilleau nous dévoile ce minutieux mécanisme et nous conduit tout au long de cette vénérable "Route Ribéracoise", au centre du Périgord, en nous montrant à chaque pas les vestiges et les témoignages qui la jalonnent d'une manière difficilement contestable. L'auteur n'y va pas par quatre chemins; il montre comment les Ordres Templiers et Hospitaliers soignaient les malades dans des hôpitaux et aidaient  les pèlerins à traverser les  rivières en les protégeant contre les "coquillards" et autres bandits de grand chemin; Il prouve l'exactitude de ses observations en dévoilant, entre autres, les graffitis laissés par les pèlerins sur les murs des chapelles et  l'existence, en Périgord, du tombeau souterrain d'un pèlerin du Nord ainsi que d'autres sépultures. Il est vraisemblable que ce chemin, plus discret que les autres, ait été réservé à des exclus, à des marginaux, peut-être à des lépreux ou des Cagots.

Cette route pouvait permettre à ses usagers, au niveau de Poitiers, de passer de la voie de Paris (via turonensis) à la voie de Vèzelay (via lemovicensis) suivant un axe parfaitement rectiligne Nord-Sud, en passant près d'Angoulême puis en choisissant de passer près de Périgueux et d'atteindre Bergerac, puis le Lot-et-Garonne.

 

Un parcours Nord - Sud, en ligne droite absolue !

De la Charente au Périgord:

Commençons nos recherches entre la forêt d'Horte et la forêt de La Mothe-Clédou, en Charente et partons de l'abbaye cistercienne de Grosbost. En suivant l'actuelle D25 il n'y a qu'un pas (une demie-lieue) pour aller à Charras (l'ancienne Sarrum, ancien oppidum au croisement de plusieurs voies romaines. Son église romane fortifiée est impressionnante.

A 1km de Charras, notre route entrait donc en Périgord par la forêt de La Roche-Beaucourt et, après être passée près des lieuxdits « Le Temple » (village qui appartenait à la commanderie templière des Andrivaux) et « Le Cluzeau » (indication d'un souterrain-refuge), elle abordait Les Graulges ( ancien prieuré) juste après Le Maine Lacan. On descendait directement du bourg des Graulges sur les bords de la Nizonne par un sentier qui a été conservé. Notons qu'à 1km seulement de la D99 se trouve le site de Mallut possédant un curieux ensemble de silos à grains abrités par une construction quadrangulaire d'époque médiévale.

La sortie sud des Graulges s'effectuait par « La Côte de la Bure » où l'on traversait la Nizonne, petit ruisseau sans difficultés. Notre chemin jacquaire est devenu la route D99 qui passe à l'est du château d'Ambelle, du village de La Neuillie et de celui de Chez Marot et enfin à l'ouest de Piovit. On entrait ainsi dans Mareuil au niveau du château, après avoir traversé La Belle sur un pont. On notera qu'à Mareuil des lépreux sont persécutés en 1321 (Internet Périgord 4).

Des coquilles, dans le bourg de La Roche Beaucourt.

Variante pour l'entrée en Périgord

Un autre chemin jacquaire pouvait entrer en Périgord par le bourg de La Roche Beaucourt où se trouvent deux coquilles sculptées (photo). L'église St Théodore (1163) dépendait directement de Cluny et devint collégiale en 1555. A 1km seulement de ce village se trouve celui d'Argentine (http://argentineperigord.blog4ever.com) avec son église romane, les ruines de son château médiéval, ses carrières souterraines, son pigeonnier rupestre et ses remarquables cluzeaux (habitats troglodytiques aux étranges sépultures monolithiques et aux nombreux silos à grains. Il faut signaler qu'une monnaie pétrucore d'argent a été découverte au pied de cette falaise, ainsi que de nombreux graffitis dans une grotte inférieure qui a servi d'écurie ou d'étable. La nécropole pourrait avoir été réservée à des lépreux puisqu'un lieudit proche se nomme "Les Blanquets".

La route de La-Roche-Beaucourt à Mareuil est toute droite; c'était une voie romaine le long de laquelle on peut voir des sarcophages taillés dans le roc, un cluzeau fortifié sous une plate-forme possédant une cuvette destinée à un feu mystérieux, une grande carrière souterraine, les ruines d'une église à St Priest et les traces d'une villa romaine, 2km avant d'arriver à Mareuil. D'autre part cette voie passait à 250m du château de Ste Croix de Mareuil ayant appartenu aux Hospitaliers.

 

De Mareuil à Cercles

Au sud de Mareuil, le chemin descendait, toujours directement vers le sud, par ce qui est actuellement la D99: Au bout d'1 km on rencontre une série de cluzeaux aériens dans la falaise située à l'est d'un vallon étroit, aussitôt après le château de La Gauterie: il s'agit des postes avancés qui défendaient et protégeaient tout un village troglodytique habité par près d'une centaine de personnes au Moyen Age: les deux rives étaient aménagées en habitations rupestres mais celle exposée au levant était particulièrement fréquentée autour d'une communauté religieuse. Des fontaines abondantes assuraient l'essentiel de la vie; un ruisseau suivait le vallon et arrosait les cultures et jardins potagers et, enfin, le chemin de Saint-Jacques (bretelle de raccordement entre deux grandes voies) passait entre les deux falaises. Les pèlerins étaient sans doute reçus, soignés, nourris, blanchis et logés dans cet ancien village de Saint-Pardoux-de-Mareuil. Sa nouvelle église romane fut bâtie à l'aplomb de l'ancien sanctuaire rupestre. Entre les deux existe une nécropole mérovingienne. D'autres tombes rupestres existent à quelques centaines de mètres au sud de Saint-Pardoux, non loin d'un lieudit au nom évocateur: « La Coquille », à quelques mètres de notre chemin. Et le cimetière de St.Pardoux, près de l'église, possède un certain nombre de coquilles sculptées.

 

La Cafourche

Au-delà de Saint-Pardoux le chemin se poursuit vers le sud. Au sud de l'Age se trouve un carrefour important (une patte d'oie) où notre chemin se divise: à droite on pouvait passer par La Tour Blanche pour se diriger vers Bergerac. Quant au chemin qui permettait d'aller vers Périgueux, il bifurquait vers la gauche:

 

La route de Périgueux

Le chemin de Périgueux se poursuit par Le Breuil, Le Buisson, Les Brousses, La Faye et La Chapelle-Montabourlet où se trouve une belle église au clocher-porche gothique, anciennement fortifiée. On y voit un cadran solaire et un très curieux cimetière aux tombes très anciennes historiées et une quantité exceptionnelle de croix gravées sur le mur d'enceinte, indiquant l'emplacement de sépultures plus modestes et plus discrètes.

LEPROSERIE DU MAUMASSON

La route se poursuit, vers le sud absolu, en passant au Maumasson où se trouvait autrefois une léproserie de femmes, et atteint un important carrefour (ou patte d'oie) où notre chemin croise la vallée de la Julie qui se dirige vers La Tour Blanche. Ce carrefour est marqué par une croix monumentale en pierre du pays, sur colonne torsadée qui renouvelle sans doute le souvenir d'autres croix de carrefour qui ont balisé ce lieu important. Non loin de là, dans la forêt, à moins de 100m se trouve un ancien four à pain isolé et mystérieux. Il faut escalader la colline pour poursuivre vers le sud et il ne reste qu'un kilomètre pour atteindre le village de Cercles, après avoir longé le « Jardin des Orchidées ». Avant d'arriver à Cercles, on passe aussi devant une importante carrière de pierre de taille protégée par une belle croix de pierre, et une autre carrière où se trouvent d'exceptionnelles pierres lithographiques dues à un phénomène géologique: l'« Anticlinal de Chapdeuil ». Nous sommes là tout près du plus important cluzeau de cette région, souterrain-refuge dénommé « Le Trou des Voleurs », qui possède sept chambres et qui a la mauvaise réputation d'avoir abrité des détrousseurs de pèlerins.

Cercles

L'église Saint-Cybard de Cercles était, au XIème s. le siège d'un prieuré dépendant de l'abbaye d'Angoulême. On y voit de beaux chapitaux et des sculptures de remploi. Sans doute bâtie sur une crypte ou un souterrain, cette église s'est souvent fissurée et a nécessité d'importants travaux de soutènement. Elle avait été reconstruite par les Templiers qui avaient installé leur commanderie à Feix, à 3km de là (ruines visibles). Non loin de là une chapelle « ND des Blanquets » perpétue le souvenir d'une maladrerie (léproserie d'hommes). La proximité entre Cercles et La-Tour-Blanche peut surprendre (1km); Leur position géographique respective ne s'expliquerait-elle pas en partie par le passage des pèlerins sur une voie de Bergerac par La-Tour-Blanche et sur une voie de Périgueux par Cercles ?

Chapdeuil

Au sud de Cercles, le chemin se poursuit jusqu'à Lapouze, toponyme qui désigne les grands chemins. On croise en effet à cet endroit la voie romaine qui conduisait de Sainte à Périgueux. Au-delà de Lapouze il suffisait de suivre la voie romaine pour atteindre Périgueux qui est une étape majeure sur la voie de Vèzelay. Il est possible de faire une légère variante par Chapdeuil qui possède un très beau passage voûté, caractéristique des routes jacquaires.

 

 Depuis Chapdeuil nous n'avons qu'un demi kilomètres à parcourir pour aboutir à l'ancienne voie romaine qui était encore fréquentée au Moyen-Age et qui passe par le village troglodytique du Roc près de Saint-Just, en suivant la vallée de l'Euche. (On notera que l'une des chapelles de l'église de St Just est consacrée à Saint-Jacques). Cette voie romaine passe ensuite au pied de Saint Vivien (ancien prieuré) et du Maine d'Euche, au Pont d'Ambon où l'Euche se jette dans la Dronne, et devant le site préhistorique exceptionnel de Rochereil. Divers ponts ont existé et ont disparu au fil du temps, une arche ancienne subsiste encore. Cette voie romaine passe ensuite au prieuré de Merlande et à l'abbaye de Chancelade avant d'entrer à Périgueux l'ancienne Vesunna où les pèlerins de Saint-Jacques se doivent de visiter le tombeau de Saint-Front.

 

Bifurcation: route de Bergerac

La Tour Blanche

Au sud de Saint-Pardoux-de-Mareuil nous avons bifurqué à gauche pour emprunter la voie romaine qui conduit à Périgueux. Au même carrefour (patte d'oie) tournons à droite pour prendre un chemin qui conduit à Bergerac: On passe alors au Petit Breuil, au Sol, à l'est de Chez Bost et de Chez Lucias, puis près d'une cabane, à l'ouest de Chez Goudail, entre Le Maine du Bost et La Brousse, à l'est de La Gourie et on arrive à La Tour Blanche après avoir traversé le village de Champ-de-Ville. La motte de La Tour Blanche a été édifiée au Xème s. pour se défendre contre les Normands. Le donjon encore visible actuellement a été édifié au XIIIème s. La position appartint aux anglais qui furent chassés par Du Guesclin. La chapelle Notre Dame de Pitié qui se trouve au pied du château était celle d'une léproserie installée près d'une fontaine guérisseuse: la Fontaine Saint-Jacques. Notons que de Gourgues signale près de là un lieudit "La Maladrie, aux Blanquets".

     Il faut noter, tout près de La Tour Blanche, l'existence d'une grotte connue sous le nom de "Trou des Brumes" dont Christian Carcauzon pense que ce nom pourrait s'expliquer par la présence d' "embrumés", ces gens qui, au Moyen-Age, avaient été contaminés par des lépreux et se réfugiaient dans les grottes.

On quitte La Tour Blanche par le sud en passant au village de l'Enrequis près de son beau pigeonnier qui était évidemment celui du château. Encore un kilomètre et on croise la voie romaine de Saintes à Vésone, entre le Bois de Halas et le Bois de Gagnolle. Il est donc encore temps de se raviser pour suivre cette voie vers Périgueux par Chapdeuil; Sinon notre route conduit tout droit à Bergerac par le cheminement que nous allons suivre maintenant:

ND DE PITIE, LEPROSERIE DE CERCLES.

Au-delà du croisement avec la voie romaine, le chemin passe à l'est du village de Feraillou. Là se trouve un point important pour le pèlerin: une belle fontaine qui n'est autre que la source de l'Euche, malheureusement à sec aujourd'hui mais qui pouvait autrefois désaltérer le pèlerin. A noter que ce toponyme de l'Euche est à rapprocher de celui de l'Auche dont nous parlerons plus loin. Un kilomètre plus au sud notre chemin accède à Bourg-des-Maisons, là où d'importantes carrières troublent gravement la quiétude et l'environnement de ce bourg tranquille. Dans ce très vieux village se trouve une église byzantine du XIème s. dépendant de l'abbaye bénédictine de Sarlat en 1143 et donnée à l'abbaye de Saint-Cybard d'Angoulème en 1169. D'après Jean Secret ses croix de consécration sont ornées de fleurons ou d'étoiles, or on sait que le chemin de St. Jacques était aussi appelé « Chemin des Etoiles » et qu'il aboutissait au "Champ d' Etoiles" (Campus Stellae), Compostelle. Cette église est accostée d'un passage voûté où se voit le graffiti d'une patte d'oie;

 

 

 Nous retrouverons ce « pied palmé » à Saint-Jean-de-Lalande et ailleurs; on se souviendra qu'il s'agit d'un signe de reconnaissance particulièrement jacquaire puisqu'il était brodé au revers de la capuche des « Pédauques » (pieds d'oie) comme Henri Vincenot appelle les pèlerins de Saint-Jacques (lire de lui « Les Etoiles de Compostelle », et aussi « La rôtisserie de la Reine Pédauque »  par Anatole France). Cette patte d'oie (pé d'auque) appartenait également aux Cagots. Louis Charpentier dans « Les Jacques et le mystère de Compostelle » nous explique que ce signe d'initiation ésotérique est à l'origine de la fleur de lys et de la coquille jacquaire. Il nous démontre aussi que « l'oie » (l'Auche en vieux français) accompagne les jacquets tout le long du pèlerinage et demeure dans la toponymie du "camino", des deux côtés des Pyrénées, de même que le « Jars », mâle de l'oie, constitue son pendant, son complément logique. Ainsi s'est constitué le « jeu de l'oie » qui n'est autre que la matérialisation d'un cheminement spirituel, sur le chemin du perfectionnement compagnonnique, un labyrinthe ésotérique.

Il ne faudra pas s'étonner alors de pouvoir lire les « Contes de ma mère l'Oye » chez Charles Perraud et son alter-ego antinomique les « Contes de mon père le Jars » chez Léonce Bourliaguet. Signalons au passage qu'à Léguillac-de-l'Auche on découvrit en 1886, lors de la démolition de l'ancienne église romane, la sépulture d'un jeune pèlerin de Saint-Jacques portant la coquille percée.

 

La chapelle Saint-Jean-de-Lalande et sa fontaine.

Mais continuons notre route, toujours plein sud: Elle se lit clairement sur la carte IGN et se retrouve sur le terrain, tantôt en voie communale, tantôt en chemin rural, sur des kilomètres, par Le Breuilh, Monaco, Chez Dufray et La Chapelle-Saint-Jean, dans le bois de Lalande, commune de Celles, où nous retrouvons une belle gravure de patte d'oie sur le mur de la chapelle du prieuré. La fontaine de Saint-Jean-de-Lalande fut un lieu très fréquenté, notamment lors de pèlerinages annuels, le 6 mai et le 23 juin (veille de la Saint-Jean-Baptiste, au solstice d'été) car cette eau guérissait les arthroses et autres maux affectant les membres; on l'utilisait aussi pour le « croup » (angine des enfants), comme l'indique Bernadette Darchen (« Fontaines sacrées en Périgord » ).Arlette Sadouillet-Perrin et Guy Mandon (« Pèlerinages en Périgord ») précisent que, selon Louis Grillon, la célébration de la Saint-Jean de Lalande durait une journée entière et que, si la matinée comportait deux messes, l'après midi était consacrée à une fête païenne qui n'était sans doute que la tradition d'un rite pouvant remonter aux temps des cultes celtiques. D'après eux il s'agirait du seul rite maintenu en Périgord jusqu'à nos jours, pratiqué au bénéfice d'une source guérisseuse. Ces auteurs ajoutent que le bois de Lalande est, de temps immémorial, une propriété intercommunale et que le prieuré-grange de Lalande dépendait de l'abbaye cistercienne de Boschaud. Le bâtiment fruste de Saint-Jean-de-Lalande daterait du XIVème s. d'après Carles. Ajoutons que le souvenir du pèlerinage de Saint-Jacques est entretenu en ce lieu sous la forme de quelques coquilles sculptées dans la pierre des autels.

 

Saint Jean de Lalande

Notre chemin se poursuit vers le sud en passant à l'est de La Farge, à La Croix Courteaud puis, après avoir traversé Bauby ou être passé à l'ouest du village, on parvient à l'Hôpital de Celles.

 

Variante par le bourg de Celles

Il semble possible d'envisager une variante qui partirait un peu avant Bourg-des-Maisons, ou encore du bourg même, pour passer à Flayac, à La Valade Haute, La Planèze, à l'est de La Veyssière et traverser le bourg de Celles où se trouve l'église St Pierre d'un ancien prieuré dépendant du Peyrat. Il est intéressant de savoir que le nom de Celles provient du latin cella ou de son diminutif cellula qui désigne la chapelle d'un monastère. On traverse là une zone riche en souterrains-refuges et nous parlerons plus loin de celui de La Croix-de-Bauby. Au sud de Celles on passe à Peynou puis près du village de La Croix-de-Bauby. Le village de Bauby est à deux pas de là, où nous rejoindrons le chemin principal, à 1km de l'Hôpital. La très belle croix hosannière de Bauby donne lieu, encore de nos jours, à des rites ancestraux ou religieux (les rogations).

 

Sur le chemin principal, l'Hôpital de Celles,

et le Cluzeau de La Croix de Boby.

Dans ce village qui fut important, on peut voir encore le bâtiment qui reçut autrefois la visite des pèlerins de Saint-Jacques et que les gens du lieu nomment "La Léproserie". (Dans « Les églises du Ribéracois » Jean Secret pense à la présence des Hospitaliers) ainsi que le vicomte de Gourgues. Mais l'événement le plus significatif est incontestablement la découverte de la sépulture singulière d'un pèlerin dans un souterrain-refuge, affaire dont les développements détaillés figurent dans l'inventaire des cluzeaux de Serge Avrilleau (tome 2, pages 6 à 15). Pour résumer, rappelons que le cluzeau de La Croix de Bauby se trouve à 150m seulement du chemin qui nous intéresse et à un peu plus de1000m de l'Hôpital de Celles, qui est lui-même à proximité immédiate du chemin; Et qu'on découvrit en 1883, dans le cluzeau en question le squelette d'un homme allongé sur une banquette qui pouvait avoir été aménagée pour la sépulture. Au pied du corps un vase avait été déposé contenant 23 pièces de monnaie toutes émises dans le nord de la France, de l'an 1137 à l'an 1310. Michel Hardy, de la Sté Hist. et Arch. du Périgord a pu alors déterminer que l'inhumation avait sans doute eu lieu entre les années 1310 et 1350. Nous devions plus tard rétrécir encore cette fourchette chronologique pour placer l'événement entre 1327 et 1345 (Subterranea N°16). Le souterrain avait été utilisé comme un hypogée providentiel et obturé aussitôt. Il est évident que ce pèlerin est décédé à l'Hôpital de Celles, qu'il était peut-être lépreux, qu'il venait du nord de la France et qu'il empruntait le chemin jacquaire qui fait l'objet de cette étude. Si l'on n'a pas retrouvé de coquille sur lui c'est qu'à l'époque les pèlerins ne la portaient qu'au retour du pèlerinage. Après la découverte, le squelette fut malheureusement dispersé; la conservation des os aurait permis de connaître la dernière maladie de notre pèlerin et le souterrain fut à nouveau obstrué. Il fut à nouveau découvert en 1993 grâce à la perspicacité du radiesthésiste M.Varaillon sur le terrain de M. Lavaud.

 

 

La chapelle Saint Mandé de l'Hôpital de Celles

Il nous faut parler maintenant de la chapelle de l'Hôpital de Celles, qui est dédiée à Saint-Mandé et qui se trouve directement au bord de la voie, au carrefour de deux chemins. Ce petit édifice carré, du XVIIème s., orienté, non voûté, possède un auvent et un fragment de sculpture gothique (buste de saint Mandé) remployé dans la façade occidentale (Jean Secret). Carles nous dit que cette chapelle était autrefois très fréquentée le lendemain de Pâques et de la Pentecôte. Il signale le lieudit « Les Martres » (martyres) qui suggère aux toponymistes la présence de sépultures anciennes: ce village se trouve à 750m seulement de l'Hôpital. On peut voir aussi sur les murs de cette chapelle une certaine quantité de graffitis d'un grand intérêt puisqu'ils représentent les témoignages, écrits dans la pierre, d'un grand nombre de « gens du voyage ». Nous avons relevé, entre autres gravures, des grilles, des bannières, des rosaces, des rouelles, des arbalètes, la classique patte d'oie et des inscriptions: « Honeur � vive l'hopital » « La Plante du Rieu ». Par ailleurs d' étranges sépultures furent découvertes en 1938 sous le plancher de cette chapelle: les ouvriers chargés de remplacer ce vieux plancher par un dallage de ciment ont découvert six squelettes (d'autres parlent de trois seulement).  Parmi eux on note une mère et son enfant, et une mise en scène émouvante du bras d'un homme entourant le cou de sa femme. Relatant cette curiosité dans son ouvrage sur les chapelles et églises oubliées, le chanoine Pommarède confirme que ce chemin conduisait bien à Compostelle et signale que les squelettes étaient accompagnés d'un certain nombre de monnaies du 18ème siècle. Nous pouvons préciser que ces monnaies de bronze étaient presque toutes percées pour former une sorte de collier. L'une d'elles représente Louis XVI.

 

 

Passage de la Dronne au Moulin de La Pause.

Notre chemin descend encore vers le sud sur 2km avant de rencontrer la Dronne. Le passage de la rivière se faisait, de toute évidence, au niveau du Moulin de La Pause (le bien nommé) meunerie et minoterie qui fonctionne encore de nos jours. L'église de St.Méard, à moins de 500m du chemin, possède d'intéressantes fresques. Bien qu'un peu perturbé par les modifications routières du modernisme et la proximité de Ribérac, le chemin se reconnaît bien sur la carte (actuelle route D104) et, pour conserver la ligne de crête, entre 185m et 200m d'altitude, à l'est de Saint-Pardoux-de-Drône, semble passer par Tonillou, Plaisance et « L'Abbaye »,

 

 

pour atteindre le bourg de Segonzac avec son église romane du XIIème s. dépendant du chapitre de Saint-Astier. Cependant un chemin serait peut-être plus logique, qui passerait près du vieux château de La Tuillière, à la source de « La Font », au bourg de Saint-Pardoux-de-Drône (église ogivale à trois nefs où fut découvert un puits sans doute rituel et près de laquelle se trouve un curieux souterrain). Le chemin passerait entre Pradaux et Les Rochettes, près d'une autre fontaine, à La Côte Vieille, au Bois Fouilloux et à Rochefort (maison forte et souterrain étrange, sous le chemin), pour aboutir à « L'Abbaye » (actuellement commune de Douchapt), juste avant d'arriver à Segonzac.

 

L'Hôpital de Combeys, Chantérac.

Passant tant bien que mal entre les deux domaines (château de Segonzac et château de La Martinie), qui l'ont sans doute effacé, le chemin traverse nécessairement les villages de La Fayardie et de La Senzille pour aboutir à l'Hôpital de Combeys, commune de Chantérac. L'existence de cet important hôpital est attestée au XIIème s. Il semble avoir été géré par les Hospitaliers comme l'indiquent Aubarbier et Binet « Les Templiers de France »). Carles nous dit qu'il y avait là un cimetière et probablement une église. Notons qu'à partir de Segonzac il serait possible de rejoindre Saint-Astier et donc la voie de Vèzelay en passant par le dolmen de Peyrebrune, le prieuré de Seyssac où Saint-Cybard séjourna, Saint-Aquilin où vécut le saint de ce nom et la Chapelle-des-Bois où vécut saint Astier.

 

Chantérac

Progressant toujours vers le sud, au-delà de l'Hôpital de Combeys, on parcourt encore un kilomètre avant de traverser le village de Charrieras, puis ce chemin jacquaire du ribéracois est sans doute devenu l'actueklle route D104 qui suit la vallée du Roueix et passe aux lieudit Les Tortes et Gorcet, près de Puyembert et arrive dans le bourg de Chantérac où se trouve la remarquable église St.Pierre, romane (1104), siège d'un ancien archiprêtré et accostée elle aussi d'un passage voûté. Après Chantérac on trouve le nom évocateur et révélateur d'un lieudit « Les Pyrénées » qui semble augurer déjà de sa destination méridionale. Près de Chantérac et aussi près de Maury, on fit au 19ème s. quelques découvertes qui montrent l'ancienneté de cette route: A la croix de Cinier (Terres Morales) le marquis de Fayolle, archéologue local, signala les ruines d'une villa romaine ainsi que Barrière. On a signalé une céramique peut-être pré-romaine à Charriéras, village traversé par le chemin jacquaire. Au lieudit « Le Tombeau de Jolly », près de Puy Crolé, le laboureur Dupont trouva, à quelques mètres du chemin, une pièce de monnaie grecque (tétradrachme de Syracuse) datable d'une période située entre 530 et 510 avant notre ère. Dans le village de Joussonnière, à moins de 500m du chemin de St.Jacques, se trouve l'un des plus beaux et des plus classiques souterrains-refuges de cette région (Cluzeaux du Périgord, tome 3, p.9).

 

 

Entre Beauterie et Faureille existe une fontaine qui ne tarit jamais, où plus d'un pèlerin a sans doute rempli sa gourde ou assouvi sa soif et fut peut-être accueilli dans la maison forte de Faureille, aux multiples meurtrières, où un grand four à pain aurait pu nourrir une communauté de moines ou de soldats: Dans les sous-sols de ces bâtiments, Denis Saint-André découvrit une étrange grotte naturelle aux prolongements mystérieux. Une maison du village montre une coquille sculptée sur une cheminée et au village de Bouyssou existe un curieux souterrain-refuge situé sous les ruines d'un ancien bâtiment aujourd'hui disparu (tome 3, p.15). La très belle motte castrale de « Château-Merle », construite à la source du ruisseau de « La Bataille » vers le 11ème s., pour lutter contre les raids normands et borner les limites de la forêt de la Double, se trouve tout près d'ici, à 1500m du chemin. Au droit du village de Bouyssou, le lieu traversé par le chemin se nomme « La Pointe de Grave »: s'agirait-il d'une indication sur la destination girondine du trajet jacquaire ?

 

Saint Germain du Salembre.

Un peu plus au sud, là où le chemin vient toucher le ruisseau, se trouve le Moulin de Faucheroux. Plus loin, après le confluent du Roueix et du Salembre, à moins de 500m du chemin, se trouvent les vestiges d'un ancien fortin nommé « Le Châtelard », près du beau et ancien village du Meynard, aux portes de Saint-Germain-du-Salembre, de son vieux château (XV°-XVII°) et de son église à moitié romane et à moitié gothique possédant une crypte mystérieuse. Cette église fut également construite en 1104, comme celle de Chanterac (est-ce un hasard?). Certains (Lièvre) pensent que ce village s'identifie avec le « Calembrio » de la table de Peutinger qui est la plus ancienne carte connue des voies romaines, comme étape sur la voie de Bordeaux à Périgueux.

 

Puy-de-Pont, traversée de l'Isle.

En quittant Saint-Germain-du-Salembre par le sud, le chemin passe à la Croix du Maine puis au Gounaud et au Bignac, près de La Confènerie et d'Eygas Vivas dont le nom évoque les eaux vives. Plus au sud se trouve une grosse fontaine nommée « Le Touron » autour de laquelle s'est formé un hameau important et près de laquelle se trouvent une grotte préhistorique et un curieux souterrain-refuge situé sous un podium (Inventaire des cluzeaux, tome 3, p.87). Un peu plus au sud, après Les Peyrières, entre Jaumarie et le lieudit « La Sablière, se trouve le croisement de notre chemin jacquaire avec la voie romaine dont nous parlions plus haut (actuel GR646) qui se dirige vers l'immense oppidum de Puy-de-Pont (ou Château Rompu ») qui se trouve à 250m de là.

 

 

Au pied de l'oppidum devait se situer le gué ou le pont qui permettait de traverser l'Isle, autant pour l'usage de notre chemin qui se poursuivait vers Saint-Jacques que pour celui de la voie romaine qui prenait la direction de Vergt, en remontant la vallée du Vern. La séparation de ces deux voies différentes, après la traversée de la rivière, se trouvait à « La Croix Blanche » qui pouvait désigner une léproserie. Mais on verra plus loin que cet endroit semblait présenter quelque inconvénient et que les pèlerins fréquentaient davantage un chemin suivant la rive droite de l'Isle en direction de Mauriac et du gué de Coly-Lamalette ou se prolonger encore davantage vers la bastide de Saint-Louis-en-l'Isle, l'Hôpital, Saint-Front-de-Pradoux et Mussidan. Un autre chemin pouvait aussi, au-delà du gué de Coly-Lamalette, rejoindre Issac par Baronie, Le Maupas et La Contie.

 

Itinéraire principal à partir de Puy-de-Pont.

Après sa traversée de l'Isle, au pied de l'oppidum de Puy-de-Pont où une garnison pouvait avoir été chargée de la protéger, notre voie se poursuit, vers le sud, à La Croix Blanche et dans la traversée de La Veyssière où se situe un important moulin animé par une déviation du Vern. Elle traverse Les Jandilloux, Léonardoux, Le Breuil, Les Roudiers et passe près des Vivants avant d'aboutir au But, un village important où elle croise l'actuelle route nationale et maintenant l'autoroute. Au-delà, quittant la vallée de l'Isle, le chemin se dirige vers le village de Fratteau, célèbre pour son vieux château, ses souterrains et sa crypte. Sur le plateau qui suit, le chemin passe près du « Terme Blanc » (ce toponyme « Blanc » revient souvent sur l'itinéraire des lépreux) et rejoint le village de Puyastier où une curieuse fresque décore la façade d'une maison, ce qui est très inhabituel dans cette région. Puis le chemin redescend dans le vallon de La Crempsoulie, près du village du Nègre (antonomie de Blanc) et de ses grottes. Il passe ensuite près du souterrain-refuge de Fonmoure (Inventaire des cluzeaux, tome 2, p.269). C'est dans ce village de Fonmoure qu'un événement exceptionnel est venu confirmer, providentiellement, l'ancienneté de l'itinéraire jacquaire que nous sommes entrain de suivre: Au cours de l'année 2003, la municipalité de Sourzac est avertie qu'une découverte étrange vient d'avoir lieu dans le village de Fonmoure, au cours de travaux de terrassement: deux squelettes humains apparaissent, en pleine terre argileuse, sans aucune trace de cercueil, ni de sarcophage, ni d'aucun objet pouvant les identifier. La gendarmerie de Mussidan fait alors procéder à l'analyse des ossements par son laboratoire national et la surprise est de taille: ces sépultures n'intéressent aucunement la Justice moderne mais l'archéologie, en l'occurrence le Moyen-Age !

 

Issac, Gammareix.

Au milieu de « La Grande Forêt » le chemin se poursuit entre « Le Caillou Blanc » et « Rieu Blanc », non loin de « Maison Blanche » (cette couleur évoquant les lépreux), passe au Mounard et au Breuilh, avant d'aboutir dans le bourg d'Issac. Là se trouve une très ancienne maison dont les ruines rétrécissent la route qui longe la vallée de la Crempse. Dans un angle de cette maison on peut encore voir uine tour ronde dénommée « La-Tour-Saint-Jacques » et sous les ruines de ladite maison se trouve un intéressant souterrain-refuge en assez bon état pour pouvoir subsister quand les ruines de cet étrange bâtiment auront disparu (Inventaire des Cluzeaux, tome 1, 2ème partie, p.136).

La suite du chemin, au sud d'Issac, traverse la Crempse au moulin d'Issac, non loin d'une villa romaine: elle passe près du souterrain de Peynadet et de celui de Barre. Ce chemin qui longe le ruisseau dit de « La Chapelle » passe près d'un site étrange où l'on voit de curieux et rares tumuli accompagnés d'un cluzeau, au lieudit « La Borde ». Autre site ancien et mystérieux, celui dit de « Labat où se voient les ruines d'une ancienne motte castrale accompagnée d'un cluzeau souterrain et les traces d'une forge antique, près de l'étrange « Laquin », doline remplie d'une eau glauque où surnage une tourbe en formation dégageant un métane inflammable (Voir Inventaire Cluzeaux, tome 1, 2ème, p.140).

On arrive ensuite sur les terres de l'ancien prieuré de Gammareix et de sa fontaine et on poursuit, entre « Les Bouygues » et « Les églises enfoncées ». Si ces dernières doivent tout à la légende, puisqu'il s'agit en fait d'une série de dolines, phénomène purement géologique, en revanche « Ganmarey », comme on doit l'écrire, semble bien avoir été le siège d'une communauté de femmes, aux dires du père Carles, autour d'une église Saint Martial aujourd'hui disparue. Et on arrive à « Lagudal » haut lieu de la Résistance, avec son monument construit à la mémoire du premier parachutage allié au profit des « Maquisards ». On quite l'enfer de la guerre mondiale pour arriver au « Paradis » puis au « May de Mouyou ». Au-delà du carrefour où se situe un mégalithe nommé « Pierre Tôle ». Après Lacoste, le chemin emprunte la vallée du ruisseau de Maurens, au pied de ce village au souvenir mauresque. Il faut savoir que cette vallée fourmille de cluzeaux et souterrains comme on peut le voir dans la deuxième partie du tome 1 de l'inventaire de Serge Avrilleau, entre les pages 147 et 156.

 

Maurens, Bergerac.

Outre le plus beau souterrain du Périgord on trouve à Maurens un cluzeau particulièrement intéressant situé à quelques mètres seulement du chemin de Saint-Jacques: il s'agit d'une grotte naturelle aménagée où se lisent une multitude de signe gravés représentant, pour la plupart, des croix ou des signes dérivés de cette marque symbolique religieuse (tome 1-2 p.155). En continuant notre périple nous rencontrons la « Fontaine du Roc » (point d'eau précieux pour les pèlerins), bien qu'un peu à l'écart; Nous passons près du Rouquet; un peu plus loin le ruisseau de Maurens se jette dans celui de Ladou qui se jette lui-même dans le Mamouret et notre chemin jacquaire se confond avec la route départementale D4E puis avec la RN709 qui passe à La Ressègue, à La Chancère et à Garrigue; elle saute par-dessus le Caudeau et atteint directement l'église Saint-Jacques, au c�ur de Bergerac. Etape officiellement reconnue par tous les spécialistes, cette sous-préfecture de la Dordogne est aussi le point de rencontre des chemins jacquaires venant de Périgueux et de Ribérac.

Pour traverser la Dordogne, un seul pont possible et la route qui se dirige vers le sud, en ligne droite, s'oriente vers Eymet, Miramont-de-Guyenne, Seyches. Les pèlerins du Moyen-Age ne pouvaient sans doute pas traverser la Garonne à Marmande mais devaient se diriger vers La Réole et poursuivre par Bazas, Mont-de-Marsan, Audignon(*), Orthez et suivre ainsi la voie officielle de Vèzelay qui doit les conduire à Ostabat, Roncevaux, Puente-la-Reina, Burgos, Léon et Santiago.

*(Notons qu'à Audignon les pèlerins et les Compagnons ont laissé d'intéressants graffitis sur les murs de la belle église romane, notamment le fameux « N�ud de Salomon » qui fait l'objet d'une étude spécifique dans un article particulier de ce blog.)

 

Variante par la bastide de Saint-Louis-en-l'Isle

Revenons en arrière: Au départ de l'oppidum de Puy-de-Pont, le chemin ribéracois ou « Chemin des Lépreux » pouvait emprunter un autre itinéraire, si la traverser de l'Isle n'était pas possible vers Neuvic, en suivant la rive droite de l'Isle. On peut alors suivre un chemin qui est devenu la route départementale N°3 qui passe à l'est de La Côte, puis au « Grand Taunis (fontaine) à la consonance celtique (à moins que l'étymologie nous conduise plutôt vers l'indication d'une vallée profonde: ta unis en forme de tonneau; le « Ruisseau des Trois Fontaines » a en effet creusé ici un profond ravin). Ou encore s'agit-il d'une allusion au « Grand Aunis » cette région charentaise qui a La Rochelle pour capitale? Audierne parle en effet, au niveau de La-Roche- Beaucourt, d'une « route de La Rochelle ».

On passe ensuite à Mauriac (village et château dont l'origine remonte avant le XIIème s.), puis entre Douzillac et Niautouneix, puis à Vinaigre et au pied des villages de Leybardie et de Valay. A partir de là, deux possibilités pouvaient s'offrir au pèlerin: soit descendre au sud et traverser l'Isle au gué de Coly-Lamalette, soit continuer le chemin vers l'ouest, ce que nous allons faire maintenant:

 

 

On arrive très vite à Saint-Louis-en-Isle où se trouvent, dans une boucle de l'Isle, une église romane (XIIIème s.) dans une ancienne bastide et un hôpital. Cette bastide fut fondée par Saint-Louis en 1269 alors qu'il partait embarquer à Aigues-Mortes, vers Tunis, pour la dernière croisade où il mourut. D'après de Gourgues, le chemin que nous venons d'emprunter et qui reliait autrefois Saint-Astier à Saint-Louis-en-l'Isle s'appelait « Le chemin de Saint-Louis ». Le prieuré de Sourzac et son église bâtie sur une masse de tuf provenant de la cascade spectaculaire, est à 1km seulement de Saint-Louis, de l'autre côté de la rivière.

 

 

Saint-Front-de-Pradoux, Mussidan.

Après la boucle de Sourzac, on retrouve les bords de l'Isle là où elle reçoit la Beauronne et où se trouve le château de Beaufort. Avant d'arriver à Crabanac il faut traverser un vallon venant de Pariot. Il n'est pas impossible qu'avant l'installation de la voie ferrée le chemin passe directement sur le bord de l'Isle puisqu'on y trouve un curieux cluzeau décoré de sculptures (Inventaire des Cluzeaux, tome 2, p.194) et qu'il peu plus loin une série de grottes ont été anciennement habitées. On arrive ainsi dans le bourg de Saint-Front-de-Pradoux, son église et son curieux presbytère. On remarquera que, depuis Chantérac jusqu'à Saint-Front, on a longé et contourné la forêt de La Double le long de sa limite sud. Pour arriver à Mussidan, il suffit maintenant de passer à Tendou, La Feuillade, Ribonat et Lagut; A La Feuillade se trouve une grotte aménagée en silos et à Lagut une maison templière. Mussidan est au-delà du pont qui permet de traverser l'Isle, en face de l'église Notre-Dame-du-Roc et de l'ancien château aujourd'hui disparu. On peut voir encore, sur les lieux, des traces de fortifications et la coupe d'un silo à grains.

 

Saint-Martin-l'Astier, église templière ?

Pour le cas où les pèlerins ne souhaiteraient pas passer par Mussidan ou qu'ils en soient empêchés pour une raison quelconque, il suffit de prolonger le parcours de 3km au-delà de Saint-Front-de-Pradoux pour trouver un nouveau passage de l'Isle au niveau de Saint-Martin-l'Astier. On passe alors au lieudit « La Croix Blanche » (rappel pour les lépreux?), à La Tuillière et à La Mouthe. Peu avant Peyrerousse un chemin descend droit au sud jusqu'à La Roche (château ayant appartenu, semble-t-il, aux Buade et aux Tascher-de-la-Pagerie) puis jusqu'à l'église Saint-Martin-de l'Isle (comme elle s'appelait autrefois) dont on peut s'étonner de l'emplacement au bord de la rivière. Ce choix ne semble pouvoir s'expliquer que pour assurer la protection d'un gué ou d'un pont. Au reste la tour octogonale de cette église (qualifiée de curieuse par Jean Secret et de carolingienne par d'autres) ainsi que d'autres éléments lui donnent une allure caractéristique d'église templière, comme en convient François Véber, bien qu'elle n'aie jamais été reconnue comme telle à ce jour par les auteurs compétents en la matière. Toutefois Carles la reconnaît comme « régulière ». Son origine semble être romane. D'intéressants graffitis couvrent les murs de cette église décidément bien mystérieuse; Et il faut noter à St Martin l'Astier la présence d'un lieudit « Les Terres de l'Hôpital ».

 

La traversée d'une rivière aussi importante que l'Isle demandait une aide mais il faut bien se rappeler aussi qu'avant l'existence des barrages (19ème s.), l'Isle était un torrent peu profond parsemé de rapides et de passages à gué.

 

Traversée du Landais.

Au sud de Mussidan une route descend directement vers le sud en passant par La Freunie où l'on voit un certain nombre de grottes troglodytiques et le parcours s'effectue en forêt sur quelques kilomètres sans rencontrer d'habitations jusqu'au hameau des Bouygettes (tout près du souterrain de « l'Encros »: voir inventaire, tome 2, p.250). Il faut suivre ensuite le chemin qui est devenu la route 709 par Le Pic, Les Bories, Les lèches, Les Peyrières, l'ancien prieuré de femmes de Tresseroux qui dépendait au XIIIème s. de l'abbaye de Ligueux et dont subsiste seulement la chapelle heureusement restaurée par une association qui mérite d'être encouragée. Il faut continuer par Les Bétoux et Le Petit Tillet. Encore quelques kilomètres dans la forêt du Landais pour arriver au Pas de l'Eyraud (traversée du ruisseau); Plus loin La Boule, Papounet, La Ressègue où l'on retrouve le chemin venant de Maurens par la vallée du Ladou, puis La Chancère, Garrigue et enfin Bergerac. Il n'est pas impossible aussi qu'une autre voie conduise vers Port-Sainte-Foy et Sainte-Foy-la-Grande en passant par l'Hôpital de Bassy et la motte de Saint-Géry.

 

Conclusion

Tout d'abord il convient d'atténuer l'assertion trop répandue selon laquelle il y aurait autant de chemins que de pèlerins. Il s'agit d'un mythe un peu trop facile pour excuser un manque de perspicacité et un renoncement à la recherche. En effet à l'époque qui nous intéresse, celle du milieu du Moyen-Age qui a vu le plus grand succès du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, on ne pouvait disposer que d'un nombre restreint de routes ayant une continuité absolue, praticables et assurant une traversée des grandes rivières, notamment les anciennes voies romaines. Nous savons que les grandes routes de pèlerinage étaient jalonnées d'établissements hospitaliers et religieux destinés à protéger, nourrir, soigner et réconforter les pèlerins; on ne pouvait donc pas disperser ces hôpitaux, chapelles et prieurés au hasard d'impasses incertaines; il était au contraire impératif de les échelonner le long d'une même route, selon des espaces cohérents correspondant à des étapes logiques et quotidiennes. On observera aussi, le long de ce chemin du ribéracois, que bon nombre d'établissements se trouvaient sous la protection directe des abbés de Cluny.

 

 

Au sujet de ce « Chemin du Ribéracois » quels sont les arguments qui plaident en sa faveur, outre les avantages de la continuité dont nous venons de parler: On trouve, entre Celles et Saint-Louis trois lieuxdits « L'Hôpital » ce qui est exceptionnel. Or on lit dans l'ouvrage monumental d'Alexis de Gourgues: « Les commanderies de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem portaient le nom de Praeceptoria, domus hospitalis Saincti Johanis Hierosolymitani, Espital, Hospital et, en français Hôpital � et des maisons secondaires ... Combeys, près de Chanterac ... Toutes ces maisons appartenaient dans l'origine aux Templiers; lorsqu'ils furent supprimés, au 14ème siècle, le roi Philippe le Bel les donna à l'ordre de Saint-Jean. »

En ce qui concerne plus particulièrement Combeys, de Gourgues signale qu'il s'orthographiait « Hospitalis de Cobes en 1178 et Lospital de Combeys en 1509, le tout d'après les archives de Saint-Astier. Il précise que les appartenances de cette maison hospitalière s'étendaient jusqu'aux domaines de Puy-Feraud (Puyferrat?), jusqu'au chemin qui va de Puy-Crolé à Notre-Dame-de-Perdux, au chemin qui va d'Aubeterre à Mensignac et qu'elles s'étendaient jusqu'à Charrieras, en 1490, d'après les archives de l'Ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem.

Quant à lui, Emile Dussolier avait écrit: « Il est de notoriété que les années s'écoulant, les pèlerins s'étaient de plus en plus désaffectés de la Terre Sainte lointaine et d'accès difficile, toujours dangereux, parfois même littéralement impossible, pour s'adonner à Saint-Jacques-de-Compostelle qui acquit une vogue de plus en plus grande. On n'ignore pas que les hospitaliers de Saint-Jean, aux trois v�ux monastiques habituels, avaient ajouté celui de secours et protection des pèlerins. »

D'autre part, sur la seule portion de chemin qui traverse le département de la Dordogne (ancienne province de Périgord ) où un élément significatif apparaît tous les kilomètres, on ne trouve pas moins d'une vingtaine d'établissements religieux, d'obédience régulière ou séculière. On rencontre également, sur ce parcours, une quantité impressionnante de cluzeaux et souterrains-refuges (une vingtaine environ de sites ayant pu servir de refuge, d'abri temporaire ou de réserve de vivres, ou encore de retraites de brigands). On remarquera aussi la présence fréquente des signes gravés, souvent attribuables aux « gens du voyage », colporteurs, compagnons ou pèlerins et notamment cette fameuse « patte d'oie » typiquement jacquaire avant l'invention de la coquille. On trouve également de nombreux passages voûtés (Chapdeuil, Chantérac, Bour-des-Maisons) semblables à celui de Pons en Charente-Maritime, sur la voie de Paris où sont gravées d'innombrables fers à chevaux. Ces passages voûtés sont aussi caractéristiques des chemins de Saint Jacques que le sont les arcs trilobés ponctuant les grandes voies officiellement reconnues, comme l'indique Jean Secret.

Pour notre chemin ribéracois, situé en plein Périgord Blanc, on est frappé par la fréquence des toponymes évoquant la couleur blanche. Il pourrait y avoir une allusion aux « chemins de la Reine Blanche qui, selon la légende rapportée par l'abbé Audierne, serait la femme de Pierre d'Aragon. On trouve en effet des « chemins de la Reine Blanche » en divers endroits du Périgord d'après Alexis de Gourgues. Mais il pourrait s'agir plus vraisemblablement de Blanche de Castille qui aurait contribué à la réfection des routes de France au même titre que la reine Brunehaut, comme le rapporte le docteur Trassagnac. Blanche de Castille s'intéressa au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle où elle aurait bien voulu se rendre, d'autant qu'elle y aurait retrouvé les paysages de son enfance, mais on l'en dissuada; il est important de savoir que son père y avait laissé la vie. Mais l'allusion fréquente à la couleur blanche et la présence sur notre parcours ribéracois d'un certain nombre de léproseries ou maladreries indique manifestement que cette voie étaient sans doute réservée aux Blanquets ou autres ladres qui ne pouvaient au aucun cas fréquenter les autres pèlerins en bonne santé. En outre, la présence de trois sépultures antiques sur le même parcours est exceptionnelle (Boby, St Mandé et Fonmoure).

En définitive ce chemin jacquaire du ribéracois, qui descend en ligne droite absolue et en orientation parfaite du nord au sud, qui montre des signes compatibles avec la tradition jacquaire tous les kilomètres; serait l'une des voies les plus directes pour se rendre de Paris à Roncevaux. Il s'agirait d'une sorte de bretelle qui permettrait de passer de la voie de Paris au niveau de Poitiers, à la voie de Vèzelay au niveau de Bergerac. A partir de Poitiers, on la suit assez bien non seulement au moyen de routes existantes mais aussi en découvrant les étapes significatives qui la jalonnent: La Chapelle-Bâton, l'abbaye de Charroux, Le Grand Madieu et sa commanderie templière, Cellefrouin et sa lanterne des morts (phares terrestres), Malleyrand, près de La Rochefoucaud, Vouthon et sa commanderie jumelle, l'abbaye de Gros-Bot, Les Graulges et toute la traversée paisible et retirée du Périgord, à l'écart des sentiers battus, comme nous venons de le voir, pour aboutir à Bergerac où ce « Chemin des Lépreux » rejoint la très officielle voie de Vèzelay.

Mais notre route n'est pas terminée. Il nous faut encore rejoindre Ostabat et le pays des Cagots.

 

Juin 2007

Nous venons de recevoir de M. Serge Avrilleau un compte rendu de lecture et de nouvelles informations qui confortent notre thèse sur l'utilisation de la "Route Ribéracoise":

« Je viens de prendre connaissance de l'ouvrage de Gilbert Loubès intitulé '' L'énigme des cagots, histoire d'une exclusion '' paru aux éditions Sud-Ouest en 2006.

Ces marginaux du Moyen Age finissant, dont les origines demeurent encore mystérieuses, semblent avoir vécu essentiellement dans le Sud-Ouest de la France, précisément là où passe nécessairement la « Route Ribéracoise » qui vient d'être décrite, au moment où elle va quitter le Bergeracois pour entrer en Gascogne.

Or M. Loubès nous explique que ces « cagots » ou « capots » étaient aussi appelés « Crestians » et qu'ils étaient, à tort ou à raison, assimilés à des lépreux.

Tout d'abord il faut savoir que cet auteur confirme très officiellement la présence des cagots sur les routes du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle puisque certains avaient pour habitude de faire leur testament, avant leur départ, chez un notaire; Chez l'un d'eux on retrouve ceci dans ses archives: Le 18 mars 1418, Guillaume et Raymond Crestian, cagots de Vic-Fezensac, déclarent devant notaire et devant témoins qu'ils veulent se rendre à Compostelle. Considérant les dangers de la route, ils dictent leurs dernières volontés. Et tout d'abord ils demandent à être ensevelis « dans le premier lieu où il leur arriverait de mourir » (in primo loco subi contingeret eos decedere). Nous pourrions avoir là l'explication de la sépulture du pèlerin inhumé dans un cluzeau à Celles, sur les lieux-mêmes de l'hôpital où il est décédé. D'ailleurs les cagots font des legs aux hôpitaux qui les ont hébergés.

D'autre part l'appellation de « Crestians » donnée aux cagots s'explique par la protection manifeste du clergé catholique à l'égard de ces « cagoteries » du Sud-Ouest. Ces exclus vivaient en marge de la société et les villages troglodytiques tels que celui de Saint-Pardoux-de-Mareuil pourraient parfaitement convenir à une communauté de Cagots; D'ailleurs Brugière précise bien que ces cavernes de St.Pardoux abritaient des marginaux et les seuls signes symboliques qui y ont été découverts représentent des croix et des poissons qui attestent que ces lieux obscurs étaient fréquentés par des « Chrétiens ».

On peut lire aussi dans l'ouvrage de Gilbert Loubès: « Plus que tous autres, ces chemins favorisaient le transit grâce à une formidable organisation de l'accueil, due aux ordres hospitaliers puis aux villes et humbles bourgades. La densité des '' hôpitaux '' ou lieux d'accueil, à certaines époques, fut prodigieuse. » � « Si l'on examine la carte des chemins de Saint-Jacques en Gascogne, on ne peut qu'être frappé par plusieurs constats. La Garonne franchie, les quatre voies se dirigent sur les Pyrénées occidentales. Trois se réunissent en Pays basque, à Ostabat, avant de franchir le col de Ronceveaux, la quatrième franchit le col du Somport, après avoir traversé le Béarn. Or c'est en Béarn et Pays basque, puis un peu plus loin en Navarre espagnole, que nous trouvons la plus forte densité de cagots. »

En fonction des éléments ainsi recueillis, il devient possible de poursuivre le cheminement hypothétique de cette « route des lépreux et des cagots » au-delà de Bergerac: Duras, La Réole, Bazas, Captieux, Roquefort, Mont-de-Marsan, St Sever, Hagetmau, Orthez, Sauveterre-de-Béarn, Ostabat, St.Jean-Pied-de-Port, Ronceveaux ... le camino frances ... et Compostelle !

Serge Avrilleau.

 

Voyez le nouveau blog sur l'Histoire de Saint-Astier :

http://saintastier-24-sonhistoire.blog4ever.com

Visitez le Parc Périgord-Limousin et les cluzeaux de St.Pardoux-de-Mareuil

 Lisez ses "Chansons à Lyre", écoutez ses chansons et la guitare

du dernier troubadour du Périgord: Philippe Granger :

http://pgcd.blog4ever.com

Visitez le site de LA MAISON DE LA PECHE ET DE L'EAU à NERAC -47- =

http://maisondelapeche.com

Visitez Saint-Martial-Viveyrols avec Lisa Giraud-Taylor =

http://www.saintmartialviveyrols.com

 

F  I  N

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



02/12/2005
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