LE PERIGORD INSOLITE

LE PERIGORD INSOLITE

DES CHATEAUX MEROVINGIENS ET CAROLINGIENS

 

DES CHATEAUX MEROVINGIENS & CAROLINGIENS

 EN PERIGORD

Le département de la Dordogne, autrement appelé Périgord, possède les ruines, souvent romantiques mais toujours émouvantes, d'un certain nombre de vieux châteaux de l'époque de Charlemagne ou de périodes avoisinantes, antérieurs à l'époque romane, enfouis au fond des forêts sauvages et très mal connus des périgourdins eux-mêmes, à l'exception peut-être des curieux, amateurs de vieilles pierres et de sites insolites.

ROUSSILLE

Situées non loin de Villamblard, les ruines de Roussille paraissent marquer le bout du monde; elles ne se livrent au chercheur qu'après une longue épreuve d'investigation mais le récompensent pour sa persévérance, par l'ampleur et le choix du site, l'organisation judicieuse de ses fortifications et la richesse de son histoire:

Les plus anciens vestiges reconnus sur le site et les plus anciennes références légendaires au sujet de Roussille (dont le nom désignerait une variété de roseaux abondants au fond de ces combes retirées, à moins qu'il ne désigne la roche calcaire qui les supporte) font état d'une position gallo-romaine établie sur un éperon barré, au confluent de deux ruisseaux: la Doire et le Tabac. On ne cherchera pas longtemps l'étymologie de ce dernier mot se référant à une plante bien particulière (nicotina tabacum) qui fut largement cultivée dans cette région pendant des décennies. Un musée tout entier lui est consacré à Bergerac.

Ce château fut le fief de Waïfre, le dernier duc d'Aquitaine, qui possédait d'autres châteaux comme celui de St Cirq-Lapopie et celui de Gondres près de Turenne. Le dernier des princes mérovingiens avait participé à l'armée franque réunie par Charles Martel pour la bataille de Poitiers en 732. Il résista toute sa vie aux attaques de Pépin-le-Bref qui voulait annexer la province d'Aquitaine à son royaume alors que Waïfre souhaitait l'indépendance des Aquitains. Pépin III dit le Bref s'ampara de Brengues, Capdenac, Issendolus, Cènevières et Saint-Jean-de-Laur (en Quercy) où il fut capturé avec sa famille, à la Croze de Gaïfer qui porte désormais son nom. Waïfre, dit « Le Roi de Toulouse » fut mis à mort en février 768. Il s'enfuit alors dans la forêt de la Double (en Périgord) où il fut assassiné par trahison d'un de ses prévôts à la solde de Pépin le 2 juin 768. L'énorme motte féodale de Vaudu serait sa sépulture, comme l'indique le nom de la paroisse (Garde-Deuil) où se trouve cet énigmatique monument, au confluent de la Chalaure et du ruisseau de la Grande Nauve.

Après l'assassinat de Waïffre le fief de Roussille devint la propriété des comtes du Périgord; Il se nommait « Castrum de Russel » en 1287. Le comte Hélie V, notamment, défendit Roussille qui fut pris et repris jusqu'au XIVème siècle. En 1369 les anglais le prirent au comte Archambaud V. Puis le Sénéchal de Périgord vint mettre le siège devant Roussille mais il fut blessé par une « dondagne ». Charles VI ordonna la démolition du château avec l'appui des habitants de Périgueux trop souvent victimes des « excursions » des occupants de Roussille. Au XIVème siècle cette châtellenie comptait six paroisses. Ce vicomté passa dans les maisons d'Orléans et de Castillon et, en 1451, Jean de Bretagne en fit don à Malrigou de Bideran puis la propriété advint aux seigneurs de Puyguyon, de Calvimont et d'Aydie de Ribérac. Bertrand de Lur en fit l'acquisition. En 1559 Roussille devint la propriété des Taillefer qui le cédèrent, en 1774, au seigneur de Tessières de la Bertinie. M. de Cosson de la Sudrie en devint ensuite l'acquéreur; enfin, en 1855, ce dernier le revendit à M.Bosviel, avocat à la cour de cassation de Paris et en 1915 le propriétaire était M.Devin et, plus tard, la famille Noiret.

Les ruines de Roussille n'ont pas donné lieu à des fouilles officielles; Elles recèlent dans leurs entrailles, un réseau de souterrains énigmatiques (voir inventaire des Cluzeaux de S.Avrilleau).

Le bourg de Roussille contenait autrefois environ cent maisons et son église Sainte-Colombe a aujourd'hui disparu.

Serge Avrilleau.

FERRUS

Dominant le confluent du Roy et de la Crempse, non loin de Villamblard, se trouve un site très curieux, très ancien et tout aussi énigmatique. Ferrus est aussi connu sous le nom de Caux-de-Salle ou Montaut. Aucune route ne passe à proximité immédiate, aucun panneau ne l'indique; seul un mauvais chemin y conduit, après bien des détours et bien des obstacles. Peu de gens connaissent ces ruines très peu fréquentées. Que peut nous apporter l'étymologie? Pour Montaut on peut penser à « Mont Haut » (montus altus). C'est ce que pense Taillefer alors que le cartulaire de Cadouin indique « Castrum Montis Alti » en 1220 (Lespine). On trouve par ailleurs les formes « La Salle de Montaut » en 1850, Montault (Châtellenies du Périgord, archives de Pau) et Monteaud en 1760. Comme pour les autres lieudits portant le même nom, certains auteurs attribuent au Montaud de Beleymas une origine gauloise où le dieu Taut (Teutatès) aurait été vénéré. Ces auteurs ont observé, par ailleurs, que ces lieux nommés Montaut se trouvent toujours associés à des toponymes: "Peyrelevade" .

Ferrus (Montaut) était le siège, au XVIème s. de la châtellenie dont Roussille, au XIVème s. avait le titre. Il en dépendait 5 paroisses. En ce qui concerne l'étymologie du nom également attribué à Ferrus: « Caux de Salles » ou « Les Côtes Salles » ou « Lascaud de Salles », en occitan « Ley Claou de Sallo » je vois dans Les Caux, comme pour Lascaux, la signification de « Caves » ou «  grottes ». On trouve en effet au moins 3 souterrains sur le site de Ferrus (voir l'inventaire des cluzeaux de Serge Avrilleau, Bergeracois Nord). En 1957 Jean Secret rappelait que, parmi les seigneuries de la famille du Chesne de Monréal figurait le château ruiné de Montaut. En définitive, ce site exceptionnel porte le nom d'une colline élevée contenant des caves ou des salles. Cette définition lui convient parfaitement.

On ne sait à quand remontent les plus anciens vestiges visibles à Ferrus; il n'est pas impossible qu'ils datent de l'époque gallo-romaine. Garraud, en effet, en 1868, après avoir précisé que la tradition en faisait une « académie gauloise », écrivait qu' avant la Révolution, ces ruines étaient dans un meilleur état, mais que les matériaux et le sable qu'on en extrayait, pour une forge voisine (La Poude) dans laquelle on fondait des canons, ont presque entièrement détruit ce monument. Lespine disait que Montaut (Ferrus) était déjà en ruines en 1485 au moment d'un accord intervenu entre Jean Bosselit et Guillaume Sinsou avec les seigneurs de Mussidan et d'Estissac coseigneurs de la juridiction de Montaut. En 1937 Pommier donnait une première description d'un souterrain découvert au pied des ruines et précisait que les ouvertures du monument avaient la forme d'une anse de panier, qu'il avait dû servir à la religion catholique et qu'on avait ajouté après coup des rosaces à trèfles dont la moitié d'une subsistait encore de son vivant. Il donnait à ces ruines 18m sur 11. En effet, Carles confirme qu'il existait une église à « Côtes Sales ». A l'heure actuelle, seuls fréquentent ces étranges et mystérieuses ruines, les chouettes, les revenants, les esprits malins, les sorcières, les fées, les spéléologues et les curieux intrépides.

Serge Avrilleau.

 

GRIVIEUX

Grivieux c'est l'ancien château; Grignols, c'est le nouveau château. Si ce dernier domine tout le paysage de cette portion de la vallée du Vern et se voit de loin pour ceux qui viennent de Neuvic, de Saint-Astier, de Manzac ou de Villamblard, en revanche le vieux château, celui qui fut construit le premier sur le site, est caché dans les bois et il faut s'être bien renseigné pour avoir la chance de le découvrir.

L'ancien château (castrum vetus) encore dénommé aujourd'hui « Le Château-Vieux » consistait en un ensemble de trois mottes, encore visibles, séparées par des fossés profonds, structure triple très rare dont les aménagements sont sans doute antérieurs au Xème s. Ce site domine la vallée du Vern, en amont de Grignols, et sur la motte la plus élevée et la plus en arrière de ces fortifications, subsistent les restes d'un donjon carré, en pierre, pouvant dater du Xème s.

Le nouveau château, « Grignols » en vieux français occitanisé, fut construit à 1 km du château Vieux, à l'extrémité de l'éperon rocheux, fossoyé artificiellement, qui domine le bourg actuel. Les bases les plus anciennes de ce nouveau château ne pouvant être antérieures au XIIIème s. tous faits historiques qui ont pu se passer en ces lieux ne peuvent s'être produits qu'au Château Vieux:

Ainsi une très ancienne famille de seigneurs de Grignols existait aux Xème et XIème s. On cite notamment une « Nonia de Grignols » née vers 980 qui épousa Géraud de Montignac vers l'an 1000. Sa fille Aïna aurait apporté la terre de Grignols aux comtes de Périgord. Cette première famille de seigneurs s'est éteinte à la fin du XIème s. En 1135, un certain Boson était comte de Grignols et devint compte de Périgord après le décès de son cousin Hélias V Rudel, sous le nom de Boson IV.

Au début du XIIIème s. Archambaud, compte de Périgord, abandonna à Boson de Grignols, son neveu, tous ses droits sur le château et la châtellenie, ce qui sera confirmé en 1215 par Hélias VIII Talleyrand, compte de Périgord. Grignols devint dès lors l'un des fiefs de cette illustre famille par sa branche cadette et le restera pendant plus de 1000 ans (dans le nouveau château).

Mais il y a plus intéressant encore: Arnaud de Périgord (que l'on appelle dans certains textes: Hermann de Périgord) est devenu l'un des Grands Maîtres de l'ordre du Temple de 1237 à 1247. Appartenant à la famille de Talleyrand, il serait le fils d'Hélie V comte de Périgord mort vers 1204 qui avait succédé à son propre père Boson III de Grignols. Hermann (Arnaud) serait donc né vers 1200 et selon toute vraisemblance, au Château-Vieux de Grignols. Ce Grand Maître des Templiers eut au sein de l'Ordre des activités nombreuses dont certaines particulièrement héroïques. Il occupa les fonctions de précepteur de l'Ordre en Sicile puis séjourna en Calabre vers 1229. Appelé vers les Lieux Saints, il aurait chassé les Sarrasins de Jérusalem. Il rétablit dans cette ville le culte chrétien, là où les premiers moines-soldats avaient porté pour la première fois le grand manteau blanc. Il géra en ces lieux les biens de l'Ordre, en bonne intelligence avec les Hospitaliers de Saint-Jean-d'Acre.

Malheureusement il ne put empêcher, en 1244, la reprise de Jérusalem par les infidèles. La rude bataille qu'il livra le 17 octobre à Forbie, près de Gaza, contre les Sarrasins, lui fut très défavorable; l'armée franque fut anéantie. Au cours de ce combat qui avait coûté 312 chevaliers (sur 348) et à 320 soldats auxiliaires, il fut blessé et fait prisonnier. Il mourut en prison en 1247.

Serge Avrilleau.

 

VERNODE

Il semble que le site de Vernode, non loin de Tocane, disposé comme un oppidum, ait eu une origine gallo-romaine; Outre la morphologie des lieux, les monnaies découvertes à cet endroit tendraient à le démontrer. La première mention de Vernode sur des documents officiels (1122) parle d'une église, dépendant du chapitre de Saint Astier, qui maintiendra une petite paroisse jusqu'en 1323. On peut voir encore aujourd'hui l'élévation d'une muraille de cette chapelle. Les ruines du château de Vernode, à quelques mètres de la chapelle, semblent avoir tous les caractères du XII° s., notamment une coupole sur pendentifs. A cette époque il s'agissait d'une forteresse gardée par des militaires (chevaliers ou donzels tels que Elia Pierre (1168, 1189), Etienne Arnaud (1129, 1143), Raymond Seguin (1129, 1143) et Seguin de Vernodes (1172).

Au XIII°s. le château appartient à Grimoard de Vernodes (1272) puis à Etienne de Malayolles . En 1312 ce dernier lègue son domaine à ses cinq fils. Certains militaires sont cités: Stephanus de Chassanhol (1264, 1266), Hélias Petrus (1271) et Arnaud de Vernodes (1290).

Au XIV°s. la châtellenie de Vernodes s'étend sur les territoires actuels de Douchapt, St Pardoux de Drône et Ste Marie de Perdux (paroisse disparue). En 1316 le châtelain se nomme Hélie de Raymond. Le 4 septembre 1323 Géraud de Cassaignol rend hommage pour sa terre de Vernodes et autres maynements, tenances, manses et bories à Archambaud, comte de Périgord. Par le mariage de sa fille Richarde avec Hélie de Fayolle (vers 1340) Vernodes entrera dans la famille de Fayolle et n'en sortira que pour entrer dans celle de Chantemerle. A partir de 1365 la châtellenie de Vernodes perd son importance et son influence.

Le XV°s. fut celui de la Guerre de Cent Ans. Le 2 avril 1436, le Maire de Périgueux, Fortanier de Saint Astier, ordonne le démantèlement de la place forte de Vernode en prévention d'une éventuelle occupation anglaise.

Au XVI°s. ce qui reste de Vernode échoit en partage à Hélie de Fayolle (9 Janvier 1506) qui en rend hommage à son frère Guillaume (ou Guillonet). Le 3 octobre 1541 Annet de Fayolle rend hommage pour Vernodes au Roi de Navarre et en 1542 François de Fayolle est seigneur de la Motte de Vernodes. En 1577 Johan de Fayolle est écuyer seigneur de Vernodes puis le château entre dans la famille de Chantemerle le 29 septembre 1583 quand Judith de Fayolle, fille d'Arnaud et de Jacquette de la Baume-Forsac épouse Ogier (ou Augier) de Chantemerle.

Au XVII°s. les Chantemerle habitent la maison noble et les Fayolle gardent les tours et le nom du fiel. Judith et Ogier ont un fils en 1630. En 1651 André de Chantemerle et son fils Gédéon sont propriétaires du repaire noble de Vernode. Gédéon épousera Marguerite de Saint Martin qui restera sa veuve jusqu/en 1701.

Au XVIII°s. on trouve à Vernode Hector de Chantemerle, fils de Gédéon et de Marguerite de St.Martin et le 8 juillet 1722 il vend une partie de Vernode à Jean de la Bonne, sieur de la Roche et le reste au même le 30 novembre 1725. Ce dernier épouse Henriette de Bellegarde le 14 février 1728. Ils ont un fils Jean de la Bonne de Vernodes qui épouse le 28 janvier 1744 Anne de Chiniac de la Morélie, fille de Jérôme de Chiniac écuyer seigneur de la Morélie de la Fayardie et de Marie Anne du Château de la Genébrière. En 1727 Henry Jourdain de la Fayardie, écuyer, est correspondant de l'Académie de Bordeaux; il signale la ruine des deux tours et fait un croquis colorié et une dissertation en 1743 dont nous donnons un extrait. Il signale l'existence d'un souterrain de 4 à 5 pieds de large (1,30m à 1,60m) très bien voûté qui était censé réunir les deux tours à deux autres dont les ruines paraissaient encore. Jean de la Bonne de Vernode meurt le 11 juin 1744 et le 8 août 1797 le fils de Chiniac de la Fayardie et de Thérèse de Jehan vend le domaine à Pierre Pasquy Duchazeau, de Montagrier, Maire de Verteillac.

Au XIX°s. (en 1812) Dumonteil-Lagrèze décrit Vernodes: il y voit quatre tours et de vastes souterrains. En 1831 le domaine est vendu à Jean-Cyprien Vergnaud qui le transmet, par voie d'échange à la famille Rouchaud-Tamisier qui le céda récemment à la commune de Tocane.

« Ces tours, jadis le boulevard de la tyrannie féodale, de l/insolence et de l'orgueil, sont maintenant le refuge des hiboux et des oiseaux nocturnes qui, dans le silence de la nuit, célèbrent par leurs chants de mort le ravage des temps ». Dumonteil-Lagrèze.

Ces ruines de Vernode pourraient encore servir à l'usage du tourisme et des écoles d'architecture, mais les ronces et le lierre menacent ces belles tours romanes que les associations locales ont bien du mal à entretenir par faute de moyens. Que n'y a-t-on organisé des chantiers de fouille qui, outre les apports indispensables à l'Archéologie et à l'Histoire, fourniraient une saine occupation à bien des jeunes désoeuvrés ?.

Serge Avrilleau.

(à suivre ... avec BIZOL, La RENAUDIE, LONGAS, etc ... etc ...)

 

 

 

 

 



13/02/2006
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